En toute humilité

Je vous exhorte donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l’appel que vous avez reçu, en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité. (Éphésiens 4, 2)
C’est l’appel de Dieu, et non pas celui des hommes, qui réclame de la dignité. Une dignité que les saints et fidèles devraient exprimer par leur humilité, leur douceur et leur patience à supporter les uns et les autres. Et cela particulièrement dans leur assemblée où ils ont vocation à se soutenir mutuellement, à s’encourager dans la foi et à se stimuler dans la charité et les œuvres bonnes. (Hébreux 10, 24-25) L’unité d’esprit et de pensée est un bien précieux qu’il faut préserver à tout prix. Car un peu d’orgueil, de dureté de cœur ou d’impatience suffisent à causer des dégâts irréversibles. Quand l’unité et la paix sont rompues, il est toujours difficile de rétablir l’harmonie. Elle ne peut se retrouver sans s’humilier et se pardonner mutuellement en montrant de la bonté et de la miséricorde.
L’humilité est le terreau nécessaire au développement du fruit de l’Esprit : des vertus de Christ, comme l’orgueil est le terreau où se développent les œuvres de la chair : des péchés manifestes. L’humilité du cœur prime dans la vie chrétienne. Servir Dieu réclame de l’humilité. Christ n’a pas hésité à s’humilier, à s’abaisser jusqu’à la mort, même la mort sur la croix. (Philippiens 2, 3-8) S’humilier signifie, entre autre, se contenter des circonstances diverses que la vie nous réserve. Il n’y a ni humilité ni dignité à imiter les grèves et les révoltes d’un monde qui ne sait plus se contenter de ce qu’il a et qui revendique toujours davantage.
Certes, l’humilité n’est pas un trait de caractère naturel ; mais elle peut s’apprendre à l’école de Christ par ceux qui répondent à son invitation :
Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. (Matthieu 11, 29)
L’école de Christ, que le monde considère avec mépris, ne délivre pas son enseignement dans un lieu statique (une assemblée, une église) mais dans la vie quotidienne. C’est là que les élèves (les disciples) apprennent, sous la direction de l’Esprit Saint, à éliminer rudesses, brusqueries, entêtements, querelles et avarices, à devenir doux et humble de coeur et à se conduire avec la dignité propre aux corps de Christ - l’Église. Les enfants et les jeunes gens en Christ (les débutants) s’y efforcent à se procurer ces vertus ; les pères (les parfaits) vivent noblement avec une douceur et humilité qui passe les autorités et dominations.
Nous n’avons pas vocation de vivre en solitaire, mais de mettre au service des autres le don particulier reçu de Dieu, tout en apprenant à nous laisser dire et à être épurés, et par les circonstances, et par ceux qui nous entourent : le conjoint, les enfants, les collègues du travail et les concitoyens. Que les incrédules et les pécheurs se conduisent de manière détestables est compréhensible, ce qui l’est moins c’est quant des frères et sœurs dans la foi se comportent ceux du monde. Car c’est justement parmi les frères et sœurs que nous devons tout faire pour garder la paix, nous conduire dignement en évitant d’être pour eux un sujet d’achoppements et d’irritations. Comme nous avons tous par nature quelque chose que les autres ont à supporter, nous ne devons jamais nous comporter comme si aucun mal ne s’attache à nous. Quand d’autres remarquent nos impérities, nous ne devons pas nous en offusquer mais nous laisser dire et apprendre à tolérer leurs critiques et même leurs inconduites. Il est naturellement plus facile à supprimer ces « actions du corps » lorsqu’elles sont signalées avec charité et dans la paix. Quant une exhortation est donnée humblement avec la meilleure intention, et qu’elle est acceptée humblement, elle sert à l’édification mutuelle et maintient le lien de la paix.
L’humilité est le pendant de l’orgueil, ce poison qui infecte l’homme au point qu’il préfère l’estime des hommes à l’estime de Dieu. (Jean 12, 42) Depuis que l’homme dans son orgueil s’est éloigné de Dieu, il ne peut retrouver la joie et la paix sans descendre des hauteurs, imaginées par les savants et philosophes de ce monde, et se tourner vers Jésus Christ qui est l’humilité en personne. (1 Corinthiens 1, 28-30) Pour éviter que l’orgueil, la dureté de cœur et la vulgarité du monde contaminent nos pensées et nos coeurs nous devons, pour tout pardonner et rester patients, revêtir l'humilité comme une armure. En effet (et heureusement) :
Dieu résiste aux orgueilleux mais fait grâce aux humbles. (1 Pierre 5, 5)
Les humbles recherchent ce qui profite aux autres et ne se lassent pas de servir. Ils se méfient de l'esprit d’orgueil et sont reconnaissants pour la nourriture et le vêtement ; ils ne baissent pas la tête devant les incompréhensions et les oppositions qu’ils rencontrent. Au lieu de s’agacer et s’impatienter à cause de toutes les « petites choses » de la vie, ils apprennent à apprécier les circonstances telles qu’elles se présentent, sachant que cela leur sert à devenir irréprochables. Le salut se poursuit « en » nous aussi longtemps que nous suivons le modèle que Christ nous a laissé sur le chemin resserré et périlleux qui mène à la vie :
Si, faisant le bien, vous supportez la souffrance, c'est une grâce auprès de Dieu. Or, c'est à cela que vous avez été appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces, lui qui n'a pas commis de faute - et il ne s'est pas trouvé de fourberie dans sa bouche… (1 Pierre 2, 20-22)
Le chemin de vie est non seulement étroit, il est aussi périlleux parce que le diable, tel un lion, cherche à nous dévorer. Il ne faut pas sous-estimer sa capacité à dresser des obstacles pour nous faire trébucher. Si nous prenons notre vocation céleste à la légère et n'apprenons pas à résister au diable avec une foi ferme (qui ne lui prête pas oreille), nous risquons de retomber sous sa domination. Un mal diabolique est de s’ingérer dans les affaires d’autrui en oubliant cette règle primordiale : mes affaires, ses affaires, les affaires de Dieu. Par contre nous avons vocation, en dépit de nos différences, de faire attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes. (Hébreux 10, 24)
Il est toujours dangereux de perdre de vue l’adversaire de nos âmes et délaisser les exhortations et ne plus s’attacher aux vérités entendues. C’est pourquoi :
Nous devons nous attacher avec plus d'attention aux enseignements que nous avons entendus, de peur d'être entraînés à la dérive. Si déjà la parole promulguée par des anges s'est trouvée garantie et si toute transgression et désobéissance a reçu une juste rétribution, comment nous-mêmes échapperons-nous, si nous négligeons pareil salut ? (Hébreux 2, 1-3)
Qui oublie les enseignements entendus lorsqu’il est éprouvé (notamment par les frères et sœurs) finit par s’enorgueillir et répandre de l’amertume. Pour ne pas compromettre la paix et le témoignage, nous devons apprendre à éviter tout ce qui peut provoquer des irritations. L’humilité et la douceur sont inséparables.
Une précieuse aide pour les assemblées chrétienne serait d’avoir des serviteurs de Dieu, des pères dans la foi, qui sont revêtus de sentiments modeste (Romains 12, 13), et dont le sens moral est exercé au discernement du bien et du mal. (Hébreux 5, 14) Leurs exhortations, exemptes de mépris et d’agressivité, seraient plus aisément acceptées que celles de ces prédicateurs qui, comme les pharisiens, ne font pas ce qu’ils disent.

K. Woerlen (publié le 15 février 2019)