Jadis éloignés, maintenant rapprochés

Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été  rapprochés par le sang de Christ. (Éphésiens 2, 13)
Les peuples païens n'avaient aucune part aux privilèges que les commandements de Dieu conféraient à Israël ; ils étaient « étrangers » et « éloignés » de l’alliance que Dieu conclut avec son peuple. Comparé aux nations païennes, le peuple d’Israël se trouvait, grâce à cette alliance, très « près » de la promesse de Dieu qui aura son accomplissement en Christ. (Galates 3, 14)
Mais « maintenant » les païens qui se convertissent à Jésus-Christ sont, grâce au sang (ou la mort) de Christ, « rapprochés » de la nouvelle Alliance aussi « près » que les Juifs qui, eux, n'ont pas besoin d'être rachetés puisqu'ils appartiennent déjà à Dieu. Cependant, leur descendance charnelle d’Abraham n'est pas suffisante pour se prévaloir de l'héritage céleste. Et Jésus-Christ lui-même, comme les apôtres, leur déniaient clairement ce droit.
Alors, quel avantage y a-t-il d’être Juif ou non Juif ? « En Jésus-Christ » les origines ne jouent « maintenant » plus aucun rôle et les traditions religieuses n'ont plus guère d'utilité pour se rapprocher de Dieu. Il en est ainsi des rites de la circoncision ou du baptême des enfants. Ces pratiques n'avantagent plus personne au temps de la grâce. Ce qui « maintenant » a de la valeur c'est d'être « en » Christ et d'avoir Christ « en » nous ; la seule chose qui importe dans la nouvelle Alliance c’est d'avoir une foi agissante dans l'amour. Ce qui compte « maintenant » où le rapprochement des Juifs et des païens se fait par l'action salvatrice de Christ, c’est que Dieu puisse créer dans le Juif comme dans le païen, un homme nouveau.
Ce qui est quelque chose, c'est d'être une nouvelle créature. (Galates 6, 15)
Jésus avait commencé par annoncer le Royaume des cieux au peuple Juif qui, en vivant sous le régime des Commandements de Dieu, se trouvait très « près » de celui-ci. Mais après avoir tout accompli et inauguré la route nouvelle et vivante qui mène au sanctuaire les hommes de bonne volonté, Jésus-Christ a confié aux apôtres d’aller proclamer la bonne nouvelle de la résurrection aussi parmi les païens. Ceux qui se convertissaient parmi ces « éloignés » étaient alors « rapprochés » du Royaume des cieux aussi près que les Juifs.
Une des erreurs que fait le monde religieux chrétien est de croire que « le sang » de Christ procure un salut universel. Ce n'est pas correct ! Le sang de Christ, c'est-à-dire : sa mort, ne procure que le pardon des péchés de ceux qui mettent leur vie en ordre et leur réconciliation avec Dieu. Le sang de Christ les « rapproche » de la porte étroite qui s’ouvre sur le chemin du salut qui mène à la vie. Mais passer par cette porte étroite pour s'engager sur le chemin de vie est réservée à ceux qui renoncent à eux-mêmes. La porte étroite est synonyme du baptême en la mort de Christ où ceux qui renoncent à tout sont dépouillés de leur « corps de chair » avec ses instincts mauvais. (Colossiens 2, 11-12)
Les croyants qui se contentent du baptême des petits enfants ne peuvent que se moquer de ceux qui désirent changer de vie et naître de nouveau. La pensée même qu'une personne adulte puisse renaître leur parait une folie. Que l'on puisse enfanter un « Isaac » dans sa vieillesse, comme ce fut le cas pour Sara, la femme d’Abraham, les fait ironiser. Qu'importe ? Le nom « Isaac » ne signifie-t-il pas justement rire ou risible ?
Dans les Écritures, Dieu est aussi appelé le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Une des raisons de cet usage est que ces trois patriarches préfigurent par leur foi et leur vie le salut en Jésus-Christ qui se résume avec cette parole :
Celui qui croira et se fera baptiser sera sauvé. (Marc 16, 16)
Abraham, le croyant, est une figure de la foi ; Isaac, le prêt à tout, une figure du baptême de Christ et de la nouvelle naissance ; Jacob, le lutteur, une figure de la vie nouvelle et victorieuse dont l'aboutissement est l'héritage céleste. Si beaucoup de croyants peuvent être assimilés à « Abraham » pour avoir foi en Dieu, il n’y en a que peu qui deviennent des « Isaac » par une nouvelle naissance. Et parmi tous ceux qui deviennent des « Isaac » il y en a, malheureusement, encore moins qui sont prêts à lutter et à souffrir jusqu’à devenir des « Jacob ». Et encore moins nombreux sont les « Jacob » qui persévèrent jusqu'à devenir des « Israël », c'est-à-dire : des héritiers de Dieu. .
Ne nous y trompons pas : avant que Jacob ne reçoive le surnom de « Israël » il devait prier et lutter avec le Seigneur à Peniel. (Genèse 32, 24-32) Il n'en est pas autrement pour les disciples de Jésus-Christ : c’est après leur baptême en la mort de Christ que commence « le bon combat de la foi » au cours duquel les forces de « Jacob » sont réduites à « rien » pour lui permettre d’être changé en un « Israël » docile et patient qui se repose sur la bénédiction de Dieu.
Tant que nous ne sommes pas des « Israël » nous pouvons toujours tomber et être vaincus par l’adversaire de nos âmes. C'est pourquoi, il importe que nous fassions tout « nos » efforts pour nous conduire dans ce monde pervers d'une manière digne de notre vocation céleste en vivant et en marchant dans la crainte de Dieu.

K. Woerlen (publié le 15 juillet 2020)