Du choix de Dieu

Dieu est le même hier, aujourd’hui, et éternellement. Sans l’Éternel Dieu notre existence n’aurait aucune signification. Lorsque Dieu décida de manifester sa perfection, il choisit de créer l’homme sous la forme d’un vase d’argile pour y faire briller la connaissance de sa gloire (cf. 2 Corinthiens 4,6). Dieu n’avait nul besoin d’exprimer son existence par la création d’un monde imparfait et d’un homme languissant à être parfait. Il agit par libre choix, sans raison particulière. C’est pourquoi les Écritures n’évoquent pas « la raison » mais « le but » pour lequel Dieu créa le monde. Du fait que nous aurions pu ne pas être nés, nous nous sentons à la fois nécessaires et inutiles, nous interrogeant constamment sur la signification d’une existence où l’on croit que « sans moi, rien ne va ».
Pourtant, nous dépendons entièrement de Dieu et notre existence n’est qu’une simple possibilité. Indépendance et autosuffisance ne sont que des illusions. Nous n’existons pas sans Dieu, mais Dieu existe aussi sans nous. Il n’y a que Dieu qui existe dans l’absolu. D’où ce dilemme : Nous doutons de la nécessité de notre existence ; tandis qu’au fond de nous-mêmes nous sentons, parce que notre âme est un « souffle de Dieu », que nous sommes disponibles et nécessaires comme manifestation temporaire de l’Éternel Dieu.
La mort rappelle que la vie continue sans nous et que notre existence n’est pas nécessaire. Bien qu’elle n’arrive qu’une seule fois pour chacun et qu’elle n’est pas douloureuse pour beaucoup, la crainte qu’elle inspire souligne que nous ne sommes qu’une possibilité. La mort est un dramatique rappel que notre vie n’est pas une nécessité. Nous ne savons pas ce que demain sera notre vie, car nous sommes une vapeur qui paraît un instant, puis disparaît (cf. Jacques 4, 14). Même des gens fortunés, importants et indispensables meurent soudainement, sans avertissement…
Lorsque nous ne sommes plus utiles à Dieu, nous cessons d’exister.
La vie terrestre est éphémère et déraisonnable. Les choses semblent importantes, mais elles n’ont pas de substance réelle et on peut s’en passer. « Vanité des vanités, toute est vanité », souligne l’Ecclésiaste. Pour surmonter son insécurité existentielle, l’homme accumule des biens matériels. Mais plus il possède, plus il s’inquiète. Car les richesses peuvent disparaître plus facilement que d’être gagnés. L’insécurité c’est l’inquiétude de perdre ce que l’on possède.
En tant qu’expression du libre arbitre de Dieu, notre essence est la liberté. Une liberté avec laquelle nous avons une « amour – haine » relation parce qu’elle nous procure et des plaisirs et des douleurs. Nous aimons la liberté aussi longtemps que nous pouvons faire ce que nous désirons, et nous haïssons la liberté dès qu’elle nous rappelle notre insécurité et, ce qui est encore plus effrayant, que nous ne sommes pas nécessaires. Car rien ne nous oblige à faire quelque chose ou à ne rien faire. Toutefois, cette liberté qui consiste « à faire ce que nous désirons », montre clairement que nos actes sont arbitraires et inutiles. S’ils étaient nécessaires, nous n’aurions plus la liberté de ne pas les faire. C’est ce que traduit bien cette excuse répandue : « Je n’avais pas le choix ; cela devait arriver ».
Pour surmonter l’insécurité existentielle et les souffrances qui découlent du libre choix, les uns cherchent à connaître l’avenir dans les horoscopes et chez les cartomanciens. D’autres préfèrent recourir à la négation en niant que Dieu ait crée le monde et que l’homme ne soit que pure possibilité. Pour ces négationnistes, la nature exprime la réalité absolue. C’est un retour au passé où les païens se laissaient guider par leurs instincts à l’image des animaux qui n’ont pas de problèmes avec le libre choix. Et parce qu’ils estimaient que certains animaux leur étaient supérieurs, ils en ont fait des idoles.
Ceux qui enseignent que l’homme devrait obéir à ses instincts sont ces idolâtres des temps modernes qui estiment que la nature a toujours été et qu’elle est Dieu. Cette vision idolâtre est à l’origine de nombreux crimes pour lesquels les malfaiteurs se disculpent : « Je n’avais pas le choix, cela m’a pris ainsi ».
L’idolâtrie n’est pas seulement la prosternation devant des objets naturels ou faits par l’homme ; elle est bien plus cette compréhension qu’il soit impudent d’étouffer les penchants naturels, car mépriser les lois naturelles entraîne la disparition de l’homme. Idolâtrer les plus forts est la logique de la nature qui n’a aucune pitié pour les créatures faibles. Que le lion dévore la gazelle n’est-ce pas naturelle ?
Les Écritures dénoncent farouchement l’idolâtrie et montrent comment l’homme peut s’élever au-dessus des penchants naturels au lieu de leur succomber. Leurs lois morales surclassent les instincts et désirs animaux et charnels. La circoncision dans l’ancienne alliance est, entre autre, une déclaration que des aspirations spirituelles qui conduisent au respect des lois morales vainquent la nature.
La nouvelle alliance, elle, procure le moyen de vaincre l’insécurité existentielle par « le baptême de régénération et de renouvellement par le Saint Esprit » (Tite 3,5) et par l’invitation de nous efforcer à devenir « des riens » (ce que nous sommes essentiellement) et à tout renoncer (cf. Luc 14,33). C’est la voie étroite des commandements de Dieu qui mène à la vie ; elle se situe entre la foi que nous sommes absolu et la foi que nous ne sommes rien.

K. Woerlen (publié le 5 novembre 2019)